LUMIGNONS

 

J’ai encore perdu mes clés. C’est la deuxième fois en quinze jours, quand on sait que la dernière fois que je les ai égarées j’étais enfant, c’était au vingtième siècle, c’est troublant.

Mon père me dirait de demander à Freud ce qu’il en pense, ce genre d’oubli répété n’est jamais pour rien, cela dit quelque chose de moi. Et puis les clés de chez soi c’est tout sauf anodin.

Est-ce l’envie d’être au dehors ? Le besoin d’air ?

Ou le besoin d’aide, que quelqu’un m’accueille, m’héberge et prenne soin de moi ?

Ou suis-je tout simplement préoccupée par Lumignon ? Ses frasques occupant tellement mes journées qu’il n’y a plus de place pour grand-chose dans ma tête, même les réflexes les plus élémentaires.

En réalité il y a plusieurs Lumignons : le Lumignon que tout le monde aime, drôle, vif, mais qui ne reste jamais longtemps comme s’il avait peur que l’on s’aperçoive que son ombre est double.

Et puis il y a la louve, son ombre canine, qui met tout le monde en boîte et dont l’esprit taquin et vanneur confine parfois à la dureté, que beaucoup prennent pour de la méchanceté. Elle prend le dessus sur sa personnalité joviale pour des raisons que j’ignore, mais à des moments que je vois venir, comme on sent l’orage arriver quand le vent souffle dans les feuilles alors que la couleur du ciel n’a pas encore changé.

Enfin il y a sa petite ombre brune, dévorée par la culpabilité de ne savoir comment gérer les orages de la louve, de la voir faire du mal aux amis de Lumignon sans réagir. La petite brune a peur, elle se sent si infime, elle n’est qu’une ombre.

Et moi non plus je n’ai pas la clé. J’aime Lumignon, j’aime les Lumignons, mais il parvient de moins en moins à se contrôler. Il dit que quand je suis là il se sent protégé de son ombre canine, mais il tue toujours autant, de mieux en mieux.

Je n’en puis plus d’être complice de cela, et même si son ombre canine tue des êtres abjectes, des assassins et des violeurs d’enfants, je ne peux plus vivre dans la peur qu’un jour il se trompe et s’en prenne à un innocent.

Ce soir c’est moi qui vais tuer Lumignon.

 

Sevy Næj
09.2017

Découvrir la bougie LUMIGNONS, dont l’univers a inspiré ce petit meurtre… :

Lumignons « Herbe fraîche »

37,00  Prix abonné : 29,60 

La Bougie de Septembre 2017

UGS : BB_1709 Catégories : ,
Lire la suite